Histoire des relations chaotiques entre l'Egypte et Israël

Nasser lors de la nationalisation du Canal de Suez en 1956
Nasser lors de la nationalisation du Canal de Suez en 1956

1948, Israël déclare unilatéralement son existence

Le 29 novembre 1947, le plan de partage de la Palestine est voté par l’Assemblée générale de l’ONU à New York (résolution 181). Ce plan prévoit la création d’un État juif et d’un État arabe, et place Jérusalem sous contrôle international. Du côté palestinien, c’est la partition elle-même qui est refusée, a fortiori la création d’Israël. Du côté juif, on espère "améliorer" la partition en occupant tout ou partie de l’État arabe, le reste revenant à la Transjordanie. Les deux camps s’affrontent aussitôt dans des combats meurtriers. Le 14 mai 1948, Israël déclare unilatéralement son existence.

La première guerre israélo-arabe débute. Dès le 15 mai, la Ligue arabe intervient, et l’Egypte participe à l’envoi de corps expéditionnaires, aux côtés des Syriens, Irakiens et Transjordaniens. Tsahal (l’armée d’Israël), a remporté ce premier conflit, aidée par des armes lourdes en provenance notamment de Tchécoslovaquie, grâce à un pont aérien. L’URSS a également apporté son aide, souhaitant, dans ce contexte, remplacer la Grande-Bretagne au Moyen-Orient. Cette dernière perd considérablement dans l’opinion arabe, paraissant avoir poussé à la guerre.

Les accords d’armistice signés par Israël et par les Etats arabes, du 23 février au 20 juillet 1949, entérinent l’agrandissement de l’État juif d’un tiers de plus que le plan de partage ne le prévoyait, avec notamment l’annexion de toute la Galilée, et d’un couloir vers Jérusalem et le Néguev, jusqu’au port d’Eilat sur la mer Rouge.

Gaza est sous la tutelle de l’Égypte. Le 24 février 1949, l’Égypte et Israël signent l’armistice de Rhodes. Le 1er septembre 1951, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne l’Égypte, qui a interdit le canal de Suez aux bateaux israéliens, mais les Egyptiens maintiendront leur position.

Fin de la monarchie en Egypte, Nasser et le gouvernement des Officiers libres

Aussi en Égypte, le Premier ministre Nokrachi Pacha, est-il assassiné en décembre 1948. Le 23 juillet 1952, les Officiers libres prennent le pouvoir. Le roi Farouk abdique le 26 juillet suivant.

Le coup d’Etat des Officiers libres (organisation militaire clandestine créée par le lieutenant-colonel Gamal Abdel Nasser après la guerre israélo-arabe de 1948) est d’abord salué par le Premier ministre israélien (de 1948 à 1953), David Ben Gourion, père fondateur d’Israël, qui propose la paix à Nasser.

Géographiquement, les deux pays sont séparés par un immense désert. Dans un discours à la Knesset en août 1952, David Ben Gourion s’affirme convaincu qu’il n’y a aucune cause de discorde politique, économique ou territoriale entre les deux pays. De son côté, dès 1948, et depuis la victoire d’Israël, l’armée égyptienne est persuadée de la puissance militaire d’Israël et pense qu’à long terme il faudra bien se résoudre à la paix.

Mais Nasser préfère en rester au statu quo. Pourtant, il ne semble pas avoir l’intention d’attaquer Israël, en raison de problèmes internes et parce que l’armée égyptienne n’est pas en position de faire face à l’armée israélienne.

Cependant, dans le même temps, le gouvernement israélien se met à considérer la propagande égyptienne (par exemple les programmes que Radio Cairo diffuse à l’intention des autres peuples arabes) comme représentative de la volonté égyptienne de déclencher une guerre.

Général Mohamed Neguib et Colonel Gamal Abdel Nasser
Général Mohamed Neguib et Colonel Gamal Abdel Nasser

Les deux pays manquent une occasion de se rapprocher en 1953. Le gouvernement des Officiers libres envoie une lettre, signée par Nasser, au ministre israélien des Affaires étrangères, Moshe Sharrett, lui demandant de soutenir l’Egypte auprès des Etats-Unis dans l’affaire épineuse du retrait des troupes britanniques de Suez.

Par cette demande, l’Egypte pense montrer de façon évidente qu’elle n’a pas d’intention hostile envers Israël. En obtenant le soutien israélien, le Caire pourrait convaincre les autres pays arabes de la bonne volonté de l’Etat hébreu. Mais Ben Gourion ne croit pas en la bonne foi de l’Egypte.

Il répond que pour qu’Israël accepte de soutenir la demande égyptienne d’armements auprès des Etats-Unis (contre la Grande-Bretagne), il faudrait que l’Egypte signe un traité de paix, et pour prouver sa bonne volonté, qu’elle autorise le passage des navires israéliens par le Canal de Suez. Mais le Caire s’offense de cet ultimatum, et l’affaire en reste là.

Jusqu’à la crise de Suez, les relations entre les deux Etats évoluent… Le 28 février 1955, une colonne israélienne attaque les quartiers-généraux de l’armée égyptienne à Gaza. En réponse, le Caire, qui souhaite éviter une confrontation directe, encourage l’entraînement d’insurgés Palestiniens.

Sur le plan international et régional, entre 1948 et 1956, des efforts de médiation de la part de différents groupes ou pays tentent d’aplanir les différends entre les deux pays.

Guerre de 1956

Dans ce contexte tendu, Nasser nationalise le Golfe de Suez le 26 juillet 1956, afin d’en tirer le financement de la construction du Haut-Barrage d’Assouan, pour lequel il avait sollicité, en vain, l’aide des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Banque mondiale.

La nationalisation du canal de Suez fournit l’occasion à Israël d’attaquer l’Egypte, de la forcer à signer un traité de paix, et peut-être de renverser Nasser. Israël choisit cette guerre. Le 30 octobre, la guerre débute. Israël attaque l’Egypte au motif officiel de mettre fin aux raids venant de la bande de Gaza et d’ouvrir le Golfe d’Aqaba. C’est une défaite militaire pour l’Egypte, mais une victoire diplomatique, les anciennes puissances coloniales ainsi que l’Etat hébreu ayant dû battre en retraite en raison des pressions conjuguées de l’URSS et des Etats-Unis.

L’Assemblée générale des Nations unies adopte en novembre des résolutions prévoyant l’intervention de la FUNU (Force d’urgence des Nations unies) en remplacement des forces franco-britanniques et afin de restaurer la paix.

Les efforts de médiation se poursuivent, notamment au sujet des armements, achetés du côté égyptien à Moscou, et du côté israélien aux Etats-Unis. L’initiative américaine de 1963 (mission Mc Cloy) tente en outre d’apaiser les craintes de Nasser vis-à-vis du programme nucléaire israélien.

L'Égypte a coulé des navires aux extrémités du canal pour empêcher Israël de l'utiliser ou de le traverser
L'Égypte a coulé des navires aux extrémités du canal pour empêcher Israël de l'utiliser ou de le traverser

Guerre de 1967 ou guerre des Six Jours

En mai 1967, Nasser masse des troupes dans le Sinaï et ferme le Golfe d’Aqaba aux navires israéliens ou transportant des marchandises vers Israël. Il espère s’assurer une victoire diplomatique sans entrer réellement en guerre, pensant que les Etats-Unis vont admonester Israël comme ils l’ont fait en 1956.

Nasser souhaite prendre la tête d'une coalition des pays arabes pour s'unir contre l'Etat hébreu. Mais, Israël très inquiet par une union possible du monde arabe, attaque en premier et obtient une victoire décisive en soudoyant le Maroc. Le Maroc a feint de participer à la coalition arabe et a transmis des informations stratégiques à Israël. Cet acte de traitrise envers l'Egypte donnera la "guerre" des six jours. A l’issue de cet assault, Israël occupe la Péninsule du Sinaï, le Golan, Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la Bande de Gaza.

Cette guerre est un véritable tournant dans les relations entre les deux Etats, car elle donne à la diplomatie égyptienne un but essentiel dans le conflit israélo-arabe : récupérer ses territoires annexés. La conférence de Khartoum en août 1967, au cours de laquelle les pays arabes réaffirment leur rejet d’Israël (pas de reconnaissance, pas de négociations, pas de paix), confirme l’Egypte dans sa position.

La résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU, votée le 22 novembre 1967, et qui demande le retrait des territoires occupés, est acceptée par Israël mais n’entraîne pas d’amélioration immédiate de la situation. Le Caire considère que cette résolution doit être appliquée avant toute négociation de paix, et Tel-Aviv que la paix doit être signée avant le retour des territoires.

De 1968 à 1970, les deux pays se livrent alors une guerre d’usure : des opérations sporadiques sur les rives du canal de Suez (bombardements, raids) entraînent de nombreux morts des deux côtés. Tel-Aviv fait construire en 1968 la ligne Bar-Lev, ligne de fortifications et de protection le long de la côte est du canal de Suez. Un accord de cessez-le-feu est signé sous contrôle américain en août 1970, ce qui n’empêche pas l’Egypte d’installer des rampes de lancement de missiles sur les bords du canal.

Il est donc important de garder à l'esprit que l'Egypte n'a pas accepté la présence d'Israël au Moyen-Orient; ce fut un long processus acharné de la part d'Israël, qui a usé de ruses et de tous ses soutiens possibles pour arracher à l'Etat égyptien des accords afin de neutraliser l'un des seuls pays arabes qui lui faisait peur. Alors que la solution à deux Etats avait été proposée dès la conférence de Khartoum en 1967, Israël ne veut toujours pas en entendre parler, des années plus tard. Il ne faut rien attendre de l’Etat d’Israël car il ne sert que ses propres intérêts.

Auteur :
Mis en ligne : Jeudi 26 Août 2021
 
Dans la même thématique