Saad Al-Jabri obtiendra-t-il la protection des USA contre MBS?

Al Jabri
Al Jabri

Mohammed Ben Salman (MBS) traque véritablement Saad Al-Jabri, l'ancien responsable saoudien de la sécurité. Après avoir très probablement kidnappé les enfants de Al Jabri, MBS continue la traque de son ancien ministre qui s'était enfui au Canada en 2017.

Récemment, MBS a utilisé sa société d'Etat, le groupe saoudien Sakab, afin de porter plainte contre Al Jabri devant la justice américaine. Ainsi, le procès obligera Al-Jabri à être extradé du Canada aux USA afin d'être jugé.

Le groupe saoudien "Sakab"

Le groupe Sakab a été créé initialement en 2008 dans le but de "lutter contre des activités antiterroristes". Toutefois, selon un rapporteur du Ministère de la Justice américaine, c'est plutôt une société-écran visant justement à réaliser des actes illégaux voire terroristes. La société saoudienne Sakab Holding Group, propriété du fonds souverain du royaume, dirigée par le prince héritier Mohammed bin Salman, a porté plainte pour détournement de fonds contre Al-Jabri, d'abord auprès de la justice canadienne, puis auprès de la Cour d'État du Massachusetts aux États-Unis.

Mohammed
Mohammed

Intervention américaine dans l'action judiciaire

Le Ministère américain de la Justice est intervenu pour stopper l'action en justice de la société Sakab. Le Ministère a demandé au juge de la Cour d'État du Massachusetts de ne pas inculper Al-Jabri. Le Ministère a utilisé un témoignage de la directrice du renseignement national, Avril Hainpres qui serait très élogieux à l'égard de M. Al-Jabri. De plus, le Ministère propose au juge de recevoir Saad Al-Jabri afin d’entendre sa version des faits.

Selon la chaîne de télévision d'information en continu américaine CNN, le Ministère américain de la Justice intervient très rarement dans une affaire pénale. Les journalistes sont surpris que le ministère intervienne dans une action judiciaire contre un ancien responsable du renseignement saoudien à l'initiative de l'influent prince héritier saoudien, dans le but de protéger les secrets du renseignement du royaume d’Arabie.

Le ministère de la Justice a ajouté que si l'affaire devait malgré son intervention se poursuivre, cela pourrait potentiellement conduire à "la divulgation d'informations dont on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'elles nuisent à la sécurité nationale des États-Unis".

La Cour de l'État du Massachusetts a pris bonne note de ces recommandations et a décidé de remettre à plus tard le traitement de la plainte déposée par le groupe Sakab.

Saad Al-Jabri se veut rassurant

L'un des avocats de Saad Al-Jabri a déclaré que son client s'est engagé à "protéger les secrets" du Royaume d'Arabie saoudite, malgré la "campagne cruelle" lancée contre lui. Son avocat a déclaré dans un communiqué que "pendant quatre ans, le Dr Saad Al-Jabri a tenu le serment qu'il a prêté de protéger les secrets d'État, en dépit du fait que Mohammed ben Salmane l’ait harcelé, lui et ses enfants."

Il a ajouté que "le fait que le gouvernement des États-Unis se joigne à cette affaire pour protéger ses intérêts est une étape bienvenue, mais il est temps de favoriser une solution viable et à l'amiable qui libérera ses enfants et le protégera de nouvelles persécutions".

Cette déclaration a été faite après que le Ministère américain de la Justice a pris une "mesure très rare" en s'immisçant dans un procès saoudien contre Al-Jabri, dirigé par le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman ; afin de "protéger les secrets du renseignement qui pourraient nuire à la sécurité nationale des États-Unis".

M. Al-Jabri nie les accusations de détournement de fonds et en a profité pour affirmer que le prince Mohammed ben Salmane a envoyé une équipe d'assassins au Canada pour tenter de le tuer. L'escouade d'assassins était la même équipe qui a tué le journaliste Jamal Khashoggi en Turquie. De plus, MBS aurait tenté à plusieurs reprises de le ramener en Arabie saoudite de force. Enfin, il a accusé le prince de détenir deux de ses enfants en Arabie saoudite.

MBS et Al Jabri
MBS et Al Jabri

Les services américains au secours d'Al-Jabri

Al-Jabri, après avoir été conseiller en sécurité de l'ancien prince héritier Mohammed bin Nayef, a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre le terrorisme ; il est très respecté par les responsables américains du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, qui lui attribue le mérite d'avoir sauvé des centaines, voire des milliers, de vies américaines.

"Il est rare que le ministère de la Justice ait à traiter de ce genre d’affaires", a déclaré Marc Raimondi, qui a quitté le ministère de la Justice après avoir été porte-parole de la Division de la sécurité nationale. Aussi, selon une source qui a servi dans le gouvernement et qui connaissait bien l'affaire et les questions de renseignement les informations confidentielles qui peuvent apparaître incluront des détails sur les relations, les opérations, les sources secrètes et les méthodes de renseignement. Ces révélations pourraient être embarrassantes, en particulier pour les responsables de l'ère Obama, étant donné les méthodes originales d’investigation du monde du renseignement, selon la source. La source a déclaré: "Ils ont bien fait. Il n'est pas nécessaire de révéler ces choses."

En portant plainte contre Al-Jabri aux États-Unis, l'Arabie saoudite et son dirigeant de facto ont mis les États-Unis dans une position difficile et ont donné à la confrontation avec Al-Jabri une priorité plus élevée que la relation entre les deux pays. Et la source a ajouté: "Il me semble qu'il s'agit de représailles très personnelles qui ne profiteront pas à long terme aux intérêts du Royaume et des États-Unis, ni même à une future coopération en matière de renseignement."

Message à Biden, des sénateurs inquiets également

Un groupe de sénateurs bi-partisans a écrit une lettre au président Joe Biden pour louer le partenariat de deux décennies d'Al-Jabri avec les États-Unis. La lettre appelle Biden à l'aider pour obtenir la libération de ses deux enfants restés prisonniers, Omar et Sarah (âgés de 22 et 21 ans). Le document a également souligné que la campagne de ben Salmane contre al-Jabri représente une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Ils ajoutent que cela conduirait à la divulgation d'informations classifiées.

La lettre, signée par Marco Rubio, Tim Cain, Patrick Leahy et Ben Cardin, se lit comme suit: "Le gouvernement saoudien aurait utilisé les deux enfants comme levier pour faire chanter leur père, le forçant à retourner au Canada où il se trouve. Al Jabri vit actuellement dans la crainte d'éventuelles représailles, pour son soutien de longue date aux opposants à l'ancien prince héritier Mohammed ben Salmane. Il ne fait aucun doute que la persécution prolongée d'al-Jabri et des membres de sa famille présente désormais également un risque d'exposer des projets secrets américains de lutte contre le terrorisme. À la lumière des récents développements, nous vous exhortons, vous et votre administration, à rechercher une solution à l'amiable garantissant la libération immédiate d'Omar et Sarah et protégeant les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis."

D'autre part, la proposition du ministère de la Justice stipule qu'il envisage de s'appuyer sur le privilège des secrets d'État, qui permet au gouvernement américain de retenir des informations qui nuisent à sa sécurité nationale. La décision finale de protéger Al-Jabri sera prise incessamment sous peu.

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Mis en ligne : Vendredi 3 Septembre 2021
 
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