Qu'est-ce qu'un crime d'honneur ?

Qandeel Baloch à Lahore au Pakistan en juin 2016, victime d'un crime d'honneur
Qandeel Baloch à Lahore au Pakistan en juin 2016, victime d'un crime d'honneur

C'est le fait de sacrifier (comprenez assassiner) une femme, parce qu'on estime qu'elle a porté atteinte à l'honneur de la famille, en ayant commis un acte contraire à la bonne morale. Ainsi, une jeune fille qui a perdu sa virginité hors mariage, même si elle a été victime d'un viol (parfois commis par son propre frère ou son propre père), sera supprimée, pour laver et venger l'honneur de la famille... En général, c'est un homme de la famille qui exécute cette horrible tâche : le frère, le père, l'oncle ou le cousin de la 'fautive'.

D'où vient cette coutume ?

Des crimes d'honneur, on en trouve en Europe, en Asie, en Amérique latine ou en Afrique. Partout ils sont en recrudescence. Dans le monde arabe, il est pratiqué aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans. Ses origines remontent non pas à la charia, qui paradoxalement protège un peu la femme en exigeant la production de quatre témoins pour prouver l'adultère, mais au Code d'Hammourabi et aux lois assyriennes édictées en 1200 avant Jésus-Christ et qui font de la virginité d'une femme la propriété de sa famille entière. Mais c'est dans les pays à majorité musulmane que ces pratiques sont les plus répandues. C'est le cas, en particulier, au Pakistan (300 cas signalés en 1999) et au Bangladesh.

L'exemple jordanien

En Jordanie, le jeune roi Abdallah II et sa femme Rania ont condamné publiquement la pratique du crime d'honneur. Le cousin du roi, le prince Ghazi, a pris la tête d'une manifestation qui a rassemblé 5 000 personnes dans les rues d'Amman en février 2000. Mais le soutien de la famille royale en faveur d'une punition plus sévère des crimes d'honneur n'a servi à rien : en effet, le Parlement jordanien a rejeté par 79 voix sur 80 l'abolition de l'article 340. Article qui recommande la clémence pour ces crimes commis en état de "furie".

Les parlementaires jordaniens, composés d'une majorité écrasante d'hommes, considèrent en effet la question de la protection des femmes contre les crimes d'honneur très secondaire. Notons toutefois qu'avec 25 cas en moyenne répertoriés chaque année (source officielle), la Jordanie n'est pas le pays qui détient le triste record des crimes d'honneur. Mais il n'empêche que 25 crimes d'honneur par an, ce sont 25 vies innocentes supprimées...

La prison pour éviter le pire

Violées, ou simplement soupçonnées par un frère ou un père d'avoir entretenu une relation extraconjugale, des jeunes filles sont envoyées en prison, en principe pour éviter une triste fin.

Mais leur enfermement peut durer des années. Lima Nabil, journaliste jordanienne, est la première à avoir soulevé dans la presse jordanienne, il y a quinze ans, la question, alors taboue, des "crimes d'honneur". Nombre de ses consœurs comme Rana Husseini du Jordan Times, ont pris le relais dans les années 90 en faisant connaître le phénomène dans le monde entier. "Les choses ont beaucoup évolué en Jordanie, mais nous vivons toujours dans une société masculine, avec des lois faites par et pour les hommes", explique Lima Nabil.

La journaliste raconte : "Je connais le cas d'une fillette de treize ans qui est en prison. De condition très modeste, elle avait été mariée à l'âge de douze ans à un homme de cinquante ans. Chaque nuit, son mari la violait. Alors elle fuguait, et repartait de temps à autre dans sa famille, mais celle-ci la renvoyait chez elle. Au bout d'un an, cette gamine a empoisonné son mari. Bien entendu, le meurtre a été découvert et elle a été traduite en justice. Et savez-vous ce que les juges lui ont infligé ? Quinze ans de prison ! Alors qu'un garçon qui tue sa soeur écope au maximum d'un an !".

En Jordanie, les femmes ne cessent de se battre pour obtenir l'abrogation de l'article 340 du code pénal jordanien et même le prince Ghazi se veut optimiste, assurant que "tôt ou tard, le fameux article 340 disparaîtra du code pénal jordanien". Puisse son voeu se réaliser un jour...

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Mis en ligne : Vendredi 11 Mars 2005
 
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