La prostitution des Marocaines

Prostituée marocaine pour Saoudien riche
Prostituée marocaine pour Saoudien riche

Hinde Maghnouji est doctorante en anthropologie sociale à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris). Selon elle, dans le cas de la prostitution au Maroc, nous sommes parfois loin du schéma de la jeune fille rurale analphabète qui, plongée dans la misère urbaine, vend son corps pour survivre. Si ce profil est toujours assez répandu il est loin d'être le seul.

La prostitution estudiantine par exemple, sur laquelle se penche la presse marocaine, fait partie de ce commerce occasionnel. Elle dure le temps des études et se compose souvent de jeunes femmes qui restent à "demi-vierges" de façon à pouvoir réintégrer la sphère sociale classique avec le mariage. Ces jeunes femmes récusent la plupart du temps le terme de "prostituée", car elles conservent une sorte de virginité. Le mariage annule d’une certaine manière une partie de l’histoire qu’elles ont traversée. Il faut croire, comme disait Nietzsche qu’"il est plus facile de s’arranger avec sa mauvaise conscience qu’avec sa mauvaise réputation". La prostitution n’est donc pas nécessairement une rupture avec le cadre normatif. La place ambivalente qu’elle occupe au Maroc s’articule avec un jeu subtil et associe des comportements que l’on peut penser contradictoires. Par exemple, se prostituer n’empêche pas d’avoir une pratique religieuse rigoureuse : bon nombre de prostituées que nous avons pu rencontrer aiment à rappeler que cette activité ne les empêche pas d’être de "bonnes musulmanes". Certaines refusent de travailler le vendredi ou durant le mois de Ramadan, alors qu’il s’agit du mois où l’afflux de la clientèle est le plus important. Dans la prostitution estudiantine, les filles ne se reconnaissent pas sous le terme de "prostituées".

Elles n'ont donc pas de relations sexuelles normales, mais s'arrangent autrement. Elles précisent même : "Moi, je suis vierge ; je ne suis pas une pute.". Ce qu’il faut entendre comme un indice social et non comme un déni : Ce qui ne se prouve pas ne s’éprouve pas. Une règle sociale primordiale qui permet de distinguer une fille de bonne famille, bent nass, d’une fille de la rue, bent zanqa. Le processus bien plus que le contenu, voilà sans doute un angle d’approche indispensable pour qui souhaite comprendre et penser la prostitution dans ce pays.

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Mis en ligne : Jeudi 5 Décembre 2019
 
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