Une jeune femme propose des sacs biodégradables innovants

Laila Ayman, Egyptienne lauréate d'un concours de produits biodégradables
Laila Ayman, Egyptienne lauréate d'un concours de produits biodégradables

Laila Ayman, lauréate d’un grand concours égyptien de la lutte contre le changement climatique, revient sur son parcours en faveur de la protection de l’environnement.

Comment avez-vous pu remporter le prix ClimateLaunchpad?

- Laila Ayman: Il s’agit du plus grand concours de lutte contre le changement climatique, destiné aux start-up portant des projets d’innovation de toute sorte. Il y a une sélection qui se fait d’abord dans chaque pays, ensuite, les trois meilleures équipes de chaque pays se rendent en finales.

J’ai pu gagner le concours grâce à mon idée de fabriquer des sacs biodégradables, c’est-à-dire qui se décomposent naturellement. Fabriquer des sacs biodégradables n’est pas nouveau en soi, mais la nouveauté que je propose est dans les matières que j’utilise. Je propose des sacs biodégradables à partir de déchets aquatiques et agro-industriels, ainsi que d’autres matières tels que la carapace des crevettes et des langoustes, la pomme de terre et la cellulose. Il en résulte alors une réduction exponentielle du processus de biodégradation.

Contrairement au plastique ordinaire, qui ne se décompose jamais complètement et laisse des résidus qui peuvent se retrouver dans notre estomac, cet emballage ne produit aucun résidu toxique. Il offre l’avantage supplémentaire d’être un engrais pour la fertilisation du sol.

Pour ce qui est de votre parcours d’études?

- Je suis diplômée de l’Université de Nottingham en sciences biomédicales avec une spécialisation dans la R-D, Recherche et Développement. J’ai ensuite travaillé dans le domaine des engrais et des pesticides. Pendant mon travail, j’ai toujours entendu les agronomes dire qu’il y avait un grand gaspillage des déchets agricoles. Par exemple, les feuilles de maïs ne sont jamais utilisées, ces restes se transforment en ordures dont nous ne bénéficions pas, et l’idée me hantait. Je voulais en faire quelque chose.

Qu’espériez-vous faire ?

- A l’origine, je travaillais sur un projet de pansements organiques qui aident à guérir les plaies parce que les déchets du secteur médical sont terrifiants. Durant mes recherches, j’avais fait des tests et j’avais un petit échantillon d’écoplastique dont je ne savais pas quoi faire : un paquet, un sac ou un verre. J’ai pensé à en faire des sacs à pain, puis, étant donné mon expérience dans le secteur agricole, j’ai pensé à un sac à fruits. Puis, durant la compétition et comme cela fait partie de l’entraînement et du coaching qu’on reçoit, j’ai commencé à chercher qui serait intéressé par l’achat de ces sacs. J’ai pensé aux producteurs de produits biologiques. Je me suis tournée ensuite vers mon père, ma sœur et mes amis pour créer notre start-up BioPre Solutions.

Qu’est-ce qui vous a encouragée à choisir cette direction?

- Lorsque j’ai étudié en Malaisie, j’étais entourée de toute une société sensibilisée à l’environnement, alors j’ai commencé à suivre inconsciemment les mêmes habitudes (ne pas utiliser les sacs plastiques, qui coûtent très cher, utiliser des pailles en verre) et quand j’ai étudié la biologie, j’ai compris l’impact d’un tel choix sur la santé. Il y a deux ans, j’ai lu une recherche selon laquelle notre corps est plein de micro-plastique et que cela avait favorisé la propagation de maladies, en particulier les maladies immunitaires. Par ailleurs, ma tante a été atteinte d’une maladie immunitaire ces dernières années. Et c’est ce qui m’a le plus motivée. J’ai devant moi un tas d’ordures et de plastiques qui détruisent la santé, et je dispose de quelques connaissances sur le sujet, alors je me suis dit, "j’y vais !"

Le marché égyptien est-il prêt pour cela?

- Ce que j’ai remarqué, c’est qu’il y a une plus grande sensibilisation aux besoins de la préservation de la planète. J’avais l’habitude d’aller avec ma mère au supermarché avec un sac en osier et les gens nous regardaient avec étonnement. Maintenant on voit certains refuser d’utiliser les sacs en plastique, et des marchands proposent un sac polyvalent ou en tissu. Dans les cafés, de plus en plus de gens apportent leurs propres couverts au lieu d’utiliser du plastique, et diverses campagnes se développent sur des matériaux durables et de recyclage... même celui des vêtements.

Quelle est la plus grande difficulté que vous ayez rencontrée durant ce projet?

- Les commentaires du genre: vous êtes trop mignonne mais avez-vous un collègue homme, juste pour la crédibilité? Ils pensaient qu’en disant ça, ils ne me vexeraient pas ! Cette stigmatisation doit cesser. Le domaine de la science et la R-D est dominé par les hommes et le sexisme, les traitements inégalitaires entre les sexes est une chose encore fréquente.

Quelle est alors votre prochaine étape ?

- Je n’ai pas encore terminé le processus de recherche. Ce que j’ai présenté est un produit minimum viable et non pas le produit final. Il y a plus de travail et de combinaisons à tester et cela nécessite un laboratoire et des ressources.

Je cherche un laboratoire pour développer le sac parce qu’il faut savoir que je n’ai utilisé, pour le concevoir, qu’une matière parmi des dizaines que je peux utiliser.

Mais les laboratoires sont réticents à permettre à une chercheuse d’y accéder tout en acceptant de maintenir la confidentialité de la propriété intellectuelle. J’ai choisi cette spécialité de R-D en biomédecine parce que mon objectif était de pouvoir prédire et résoudre tout problème avant qu’il ne se produise tout en réutilisant des matériaux naturels qui ont eu une vie antérieure. De la feuille d’arbre, nous avons tiré la cellulose utilisée dans le sac. Ce sac avait donc une vie antérieure.

Mon rêve n’est pas limité à fabriquer simplement des sacs, mais c’est véritablement de créer une installation Recherches et Développement.

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Mis en ligne : Vendredi 30 Décembre 2022
 
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