Fin 2005, une partie de la presse saoudienne et des lecteurs sont scandalisés par Banat Al Riyad ("Filles de Riyad"), roman écrit par une jeune saoudienne de 25 ans. Le roman dérange car il va à l'encontre des non-dits et des tabous de la société puritaine saoudienne. Le roman n'est toutefois pas interdit de publication en Arabie saoudite.
Interview de Raja al Sanea
"Certains sont choqués par mon écriture audacieuse et me blâment pour avoir osé aborder des sujets tabous de notre société, que nous ne sommes pas habitués à débattre. Et ce, d'autant plus que je suis une jeune femme. Mais n'y a-t-il pas toujours une première fois ? Qui avait imaginé que Martin Luther King, ce pasteur pacifiste, pouvait émanciper les Noirs de la ségrégation raciale ? Je peux faire face aux mêmes problèmes que Martin Luther King, qui a été emprisonné il y a un demi-siècle pour sa lutte contre les croyances fausses de sa société", déclare hardiment Raja al Sanea.
Dans son premier livre, la jeune saoudienne lève le voile sur la société secrète des filles de son pays et ose parler de ses paradoxes, exposant ainsi une image originale d'une communauté qui a toujours prétendu être un modèle de vertu et de morale islamiques. Dès le début du roman, l'auteur interpelle le lecteur avec l'image exotique d'une société souterraine où les filles boivent du champagne, s'habillent comme des hommes et conduisent tout en draguant des gars, dans un pays où il est interdit aux femmes de conduire et, pire encore, d'être en compagnie du sexe opposé en public.
Raja Al Sanea, jeune dentiste de profession, explique que son roman est inspiré de faits réels et de son entourage estudiantin. "Quand je me suis inscrite à l'Université, j'ai relevé certains faits qui m'ont incités à les choisir comme sujets de mon roman," explique-t-elle. "J'ai cependant choisi quatre personnages fictifs issus de différentes régions de l'Arabie Saoudite et j'ai relaté les histoires que j'ai connues à travers eux". Pourquoi s'est-elle mise au roman ? "Parce que j'aime écrire, tout simplement !", répond-elle avec assurance avant d'ajouter : "J'apprécie cet art et je ne pense pas que l'on doive se justifier sur son attirance pour l'écriture ou pour un autre art !".
Elle dénonce le joug de la tradition
Si on se contentait d'une lecture superficielle de son roman, on serait tentés de conclure rapidement que l'auteur dénonce la condition féminine dans une société patriarcale. Mais il semblerait qu'elle aille plus loin encore : A travers des histoires d'amour décevantes, al Sanea évoque en filigrane certaines des règles controversées de son pays, comme le mariage de convention ou le dédain de la société saoudienne pour les femmes divorcées, entre autres.
Le roman commence par le mariage de Qamara, qui déménage avec son jeune mari aux Etats-Unis, officiellement parce qu'il y poursuit des études de commerce. Mais Qamara découvre qu'il la trompe avec une Japonaise. Quand elle lui demande des explications, il lui avoue sans détour qu'il assume sa liaison extraconjugale. Qu'il l'a épousée dans le seul but de satisfaire ses parents, qui ont refusé qu'il épouse celle qu'il aimait vraiment et qui ont exigé qu'il épouse une Saoudienne. Qamara, qui prend conscience qu'elle a été le dindon de la farce, est sous le choc.
Michelle, un des quatre personnages du roman, est victime de la même tradition. Née d'un père saoudien et d'une mère américaine, elle est sans conteste la plus rebelle des quatre personnages. Elle décide de quitter l'Arabie saoudite pour étudier dans le pays de sa mère. Là-bas, elle tombe amoureuse d'un Américain et pense au mariage. Mais son père refuse que sa fille épouse un Américain. Frustrée dans son amour, Michelle deviendra plus virulente dans sa critique de la société saoudienne.