Rituel autour de la naissance des Aït Khebbach

Ait Khebbach
Ait Khebbach

Le village de Merzouga, installé au pied des dunes de l’erg Chebbi, est exclusivement habité par des Aït Khebbach. Situé à l’est du Tafilalt, dans une zone désertique, le lieu est éloigné des agglomérations et ne dispose d’aucune infrastructure routière. Par conséquent, comme dans bien d’autres régions rurales marocaines, les naissances se déroulent à domicile et mobilisent l’ensemble de la famille, des proches et du voisinage. Il n’existe pas à proprement parler de sage-femme. Toute mère est potentiellement capable d’aider une autre femme à mettre son enfant au monde, les plus âgées étant bien sûr les plus compétentes puisque les plus expérimentées. L’accouchement a toujours lieu dans la maison ou la tente des parents du mari, en cohérence avec l’établissement de la résidence du couple qui a lieu sur le territoire de l’époux (virilocalité). Une fois mis au monde [7]

[7] À l’exception du moment où le sexe de l’enfant est révélé, où, s’il s’agit d’un garçon, la sage-femme émet plusieurs you-you et aucun s’il s’agit d’une fille, il n’existe pas de différences significatives, dans l’ensemble des rituels de la naissance, en fonction du sexe.

, le nouveau-né est essuyé et enduit d’huile par une femme, pendant qu’une autre enterre le placenta (tinitine) dans un lieu connu d’elle seule. Il est indispensable pour protéger la mère et son enfant que le sang de l’accouchement (idamn n-tarwa) soit au contact direct de la terre dans laquelle il disparaît. Le placenta est souvent utilisé dans des préparations magiques considérées comme hautement néfastes. Aussi, dans l’ensemble du monde musulman, les protections contre ces pratiques sont une constante [F. Aubaile-Sallenave, 1999 : 128]. Pour protéger l’enfant, on attache à son bras une amulette (lhrz), confectionnée par le fiqh du village sur laquelle il a inscrit des versets du Coran. L’amulette qui ne doit jamais être retirée du corps de l’enfant y demeure durant plusieurs mois. Lorsqu’il devient nécessaire de la lui retirer, on prend soin que personne ne passe entre celle-ci et l’enfant sous peine d’annuler l’effet recherché ou pire d’attirer les mauvais esprits. Ces derniers sont aussi conjurés par la présence, à la tête de l’enfant, d’un morceau de miroir brisé et d’un objet tranchant destiné à "effrayer" les jnûn.

Puis l’enfant est emmailloté dans un linge, il s’agit d’un morceau du cheich blanc, à connotation religieuse, que portent toujours les plus anciens de la tribu, les jeunes hommes lui préfèrent le cheich noir. Le nourrisson ne portera pas de vêtements jusqu’au jour du sacrifice rituel (tasmiya) [8]
[8]Terme arabe désignant la cérémonie d’imposition du nom.

Le couple mère-enfant est tenu à l’écart, dans une pièce retirée ou dans un angle de la tente à proximité du feu (espace féminin). L’isolement de l’accouchée et de l’enfant dure sept jours durant lesquels le temps paraît suspendu.

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Mis en ligne : Lundi 8 Juin 2020
 
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