Babylone, la Cité des Cités, n'intéresse pas les Irakiens

Deux Babyloniens tels qu'ils devaient être vêtus à l'époque
Deux Babyloniens tels qu'ils devaient être vêtus à l'époque

Fondée en 2000 avant J.-C., la création de la ville de Babylone fut un tour de force. Bâtie dans un milieu peu propice au développement, les efforts des Babyloniens leur ont permis de vivre dans une cité prestigieuse en domptant la nature. L'effervescence prodigieuse de Babylone constitue le socle de la Civilisation. Située dans l'Irak actuel, c'est dans cette région du monde que l'homme s'est élevé et c'est à partir de ses avancées majeures pour le genre humain que découlent toutes les autres civilisations.

L'histoire de la "Cité des Cités"

La ville de Babylone fut dirigée par Hammourabi, restaurée par Nabuchodonosor, conquise par Cyrus! Cette ville située au cœur de la Mésopotamie était à la fois convoitée et redoutée. Babylone se situait en Mésopotamie, "la terre entre deux cours d'eau", qui tire son nom de son emplacement géographique entre les fleuves Tigre et Euphrate.

La Mésopotamie a permis l’essor de plusieurs grandes cités, les plus importantes de l'Ancien monde. Contrairement aux nombreuses villes qui tombèrent et disparurent, Babylone renaquit de ses cendres maintes et maintes fois, alors même que de nouveaux conquérants avides de pouvoir l'envahissaient. Le site de la splendide ville de Babylone se situe à une soixantaine de kilomètres au sud de Bagdad. La Babylone a toujours été hautement désirée et perçue comme une ville à prendre.

Les livres de l'Ancien Testament racontent l'exil des Juifs à Babylone à la suite du sac de Jérusalem. Dans le Nouveau Testament, la ville était devenue un symbole d'importance: elle était la corruption faite cité, corollaire de la Nouvelle Jérusalem, qui se voulait pure et divine... Mais cela n'est que le récit de ceux qui jalousaient Babylone: Babylone était magnifique et rayonnait comme aucune autre cité.

La cité de Babylone a surtout marqué les esprits par son organisation qui était extraordinaire pour cette période de notre histoire. La spiritualité était au centre des activités, la vie des citoyens était régie par des lois et par des politiques en avance sur leur temps. Il existait même un système social de santé.

Babylone a connu son apogée sous Nabuchodonosor II
Babylone a connu son apogée sous Nabuchodonosor II

Plan de la ville

(1) L'entrée principale de la ville était ornée de briques bleues et de créatures appelées Mush-Ussu, un dragon akkadien dont le corps était fait d'autres animaux. Cette entrée avait été baptisée la Porte d'Ishtar par Nabuchodonosor II, du nom de la déesse Inanna Ishtar, l'une des plus importantes divinités du panthéon mésopotamien.

(2) Une fois passé l'enceinte de la cité, on pouvait emprunter le "Chemin processionnel": cette route conduisait des palais aux temples.

(3) Arrivé au centre de la cité, on pouvait admirer deux constructions typiquement sumériennes appelées "Ziggourat": La ziggourat d'Etemenanki, dont l'achèvement eut lieu lors du règne de Nabuchodonosor II, était un temple consacré à la divinité principale de Babylone, le dieu Marduk.

(4) L'autre temple se nommait Esagila et fut érigé pour adorer Marduk, sa femme Zarpanitu et son fils Nabu. Ces trois dieux étaient tous célébrés dans ce complexe sacré.

La cité des merveilles

Les textes antiques attribuent deux des Sept Merveilles du monde à Babylone: la tour de Babel et les jardins suspendus. Les deux sont emblématiques et ont leur origine dans de véritables anciennes structures quoique nous ne sachions pas, à l’heure actuelle, quel est leur emplacement exact. Il reste encore tant à découvrir au sujet de Babylone. D'ailleurs, M. Raad al-Jubouri, le président de la province de Babylone (Babil en arabe ou Babel) a déclaré récemment au média "Al-Monitor": "Nous travaillons à l'achèvement du projet Babylon en tant que capitale historique du pays, et ouvrons la porte à l'investissement et à l'exploration, d'autant plus que plus de 80% des antiquités de la ville n'ont pas encore été découvertes.".

Si la plupart des récits concernant la tour de Babel se trouvent dans les textes religieux des trois religions abrahamiques, où la majestueuse tour est décrite comme une odieuse tentative de la part des hommes de vouloir défier Dieu, d'après les œuvres des historiens grecs, la ville et sa grande tour sont exotiques voire extraordinaires.

Réhabiliter Babylone

La Mésopotamie, et la ville antique de Babylone en particulier, ne passionnent pas les Irakiens. Malgré les multiples initiatives culturelles initiées par les autorités et certains intellectuels, la réticence de la population à s’intéresser à ce riche passé de leur pays est malheureusement toujours très forte.

M. Ali Al-Shalah est le président du festival de Babylone, un événement récent dont l’objectif est d’attirer les touristes et surtout les Irakiens sur le site antique. Il a décrit le but de ce festival comme "s'efforçant de contribuer à faire revivre l'histoire de cette ville et d'attirer l'attention de la population". Il a évoqué avec fierté le fait que "lors de la session précédente du festival, des poètes, des musiciens et plasticiens irakiens et internationaux sont venus y participer".

Quant à l'universitaire spécialiste en archéologie, M. Halim al-Yasiri, il déplore que: "l'intérêt de la population pour la ville de Babylone n'atteint toujours pas son importance historique". Il rappelle que le nombre de visiteurs ne dépasse pas quelques dizaines de touristes chaque jour.

M. Hassan al-Sultani, un professeur d'histoire de la province de Babylone (Babil ou Babel), a parlé de la magie de Babylone: "Je me sens fier d’avoir l’honneur de poser le pied sur la terre de cette grande civilisation. Certaines personnes viennent en pèlerinage. Des touristes visitent la ville par superstition, persuadés que le lieu pourrait leur prodiguer un miracle. D'ailleurs, le nom de la ville est historiquement associé à la magie. Mais les Irakiens, en général, ne prêtent pas attention aux monuments historiques, sauf d'un point de vue religieux. Certains considèrent la ville de Babylone et d'autres monuments préislamiques comme faisant partie d'une civilisation polythéiste à fuir, puisque tout croyant sait qu’il ne faut pas vénérer les monuments et autres dieux polythéistes. C'est aussi ce que m'a confirmé un ecclésiastique."

Objets retrouvés lors des fouilles à Babylone
Objets retrouvés lors des fouilles à Babylone

M. Tariq Hussein, journaliste et écrivain, fait le même constat: "Certains Irakiens pensent que Babylone était une ville corrompue, et qu'un tremblement de terre l'a frappée, et que Dieu l'a punie pour la corruption qui s'y est propagée en cette époque lointaine en 539 avant J.-C. (Le Livre de l'Apocalypse (16:19)), qui a fait que certains érudits religieux ne permettent pas la prière sur son sol. Mais par ailleurs, il y a des gens qui viennent en visite sur le site parce qu'ils croient qu'il y a de la magie dans certaines de ses pierres".

Le poète et écrivain M. Riyad al-Gharib est un Babylonien, comprenez un habitant de la province de Babylone. Il vit près des murs de la ville historique qu'il a connue et aimée. Il n'est pas autant attristé par le manque d’intérêt des autres Irakiens que par le déclassement du site. Après que le régime de Saddam Hussein ait déformé les caractéristiques originales de certains monuments, au prétexte de vouloir moderniser ses vestiges, l'UNESCO avait décidé de retirer le site et ses ruines de la liste du patrimoine mondial de l'humanité. En 1988, les autorités irakiennes avaient réalisé des travaux de restauration et d'entretien des monuments historiques de la ville, mais Saddam Hussein a construit trois palais de grande hauteur sur le site de l'ancienne Babylone, puis a gravé son nom sur leurs briques dans le corps de la ville antique dans le but d'immortaliser son nom. L'UNESCO avait donc estimé, dans son rapport final sur l'évaluation des dommages causés à Babylone publié le 26 juin 2009, que ces modifications n'étaient pas conformes aux normes internationales et a décidé de déclasser le site antique.

Au milieu de la ville antique, véritable site de fouilles archéologiques, le Lion original de Babylone trône toujours à sa place. Le Lion incarnait la force de Babylone. C'est heureux que ce vestige soit toujours intact car de nombreuses copies d'antiquités, voire des antiquités originales ont été passées en contrebande ou transportées hors d'Irak depuis 1917. La porte d'Ishtar composée de ses fameuses briques bleues a été complètement démontée par exemple. Elle est aujourd'hui exposée au musée de Pergame à Berlin.

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Mis en ligne : Samedi 15 Janvier 2022
 
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