La Reine de Saba

Mariée yéménite
Mariée yéménite

Nous savons que l'ancien Royaume de Saba, Sheba en langues sémitiques, a réellement existé. Il s’agissait d’un pays situé au Yémen, que l’on appelait alors "l’Arabie heureuse", et qui fut gouverné, dit la légende, par la reine de Saba. Il est plus probale, selon nous, que la reine de Saba fut, en réalité, la reine Elissa de Carthage, puisque des sources historiques (et non légendaires) indiquent que la reine de Saba était l'épouse du roi Sennachérib, et il en est de même de la reine Elissa !

La reine de Saba selon la Bible

La Bible évoque dans le Livre des Rois l’amitié entre la reine de Saba et Salomon, roi d’Israël. Les musulmans connaissent la reine de Saba sous le nom de Bilqis, maîtresse des génies. Elle est décrite dans les traditions orales juive et musulmane comme une reine généreuse et une amie intime du roi Salomon, dont elle admirait la sagesse et avec lequel elle correspondait régulièrement. Si les historiens ne peuvent pas encore affirmer avec certitude que la reine de Saba n'est pas qu'un personnage mythique, on sait en revanche que le royaume de Saba a bel et bien existé et qu'il était situé dans le sud de l'Arabie, sur le territoire de l'actuel Yémen.

Le Royaume de Saba

Le nom de Saba serait issu de Sheba en hébreu, descendant de Sem, lui-même descendant de Noé, et père des Sémites. A l’origine, les Sémites étaient formés de peuples du Proche-Orient où les langues sémitiques comme l’araméen, l’hébreu et l’arabe étaient en usage, à l’exclusion des Turcophones et des Perses… Ainsi, selon la tradition populaire, Saba désignait le chef de tribu sémite qui a fondé le royaume qui porte son nom. Le pays était donc sémite mais sa population n’était pas (encore) monothéiste.

Beit Bows Yemen
Beit Bows Yemen
Yemen, Qasr Hamtout
Yemen, Qasr Hamtout

Un pays riche et beau !

L’un des plus célèbres et des plus florissants royaumes du sud de l’Arabie était connu pour faire commerce de son encens, de son or, de ses pierres précieuses – surtout les saphirs – et de ses épices. L’archéologie a permis d’attester de l’existence du royaume de Saba, qui remonte à environ 2000 ans avant notre ère.

Les vestiges d’anciennes villes ainsi que celles de terrasses aménagées pour retenir la pluie laissent supposer que le royaume sabéen était un pays agréable : En effet, bien que situé dans le désert, il aurait été assez verdoyant et doté de beaux édifices richement ornés ! Selon l’historien grec Diodore de Sicile, les colonnes des palais royaux de Saba étaient décorées avec de l’argent et de l’or et les meubles étaient souvent en ivoire, sertis de pierres précieuses. Selon les musulmans, les jardins de Saba étaient luxuriants. En plus de ses sanctuaires et des ses châteaux, le pays de Saba était réputé exhaler de douces senteurs, ce qui est bien naturel dans le pays des baumes parfumés et de l’encens! Encens que l’on fabriquait à partir des résines de végétaux qui abondaient dans les montagnes sabéennes.

La religion des Sabéens

Faut-il y voir un indice confirmant que la reine de Saba a existé ? Les ruines du palais de Marib, l’ancienne capitale de Saba, sont appelés par la tradition populaire "Harem Bilqis", c’est-à-dire le Palais de la reine Bilqis ou reine de Saba. Les ruines des édifices encore visibles de nos jours dans le désert du sud de l’Arabie seraient surtout constitués d’anciens sanctuaires dédiés aux dieux de la lune (Iloumqouh), du soleil (Shems) et de Vénus (Ashtar). Selon l’historien Hamdani, les anciens rois sabéens se prosternaient chaque jour devant des statues représentant des astres, y compris la reine de Saba elle-même.

Il est dit que le roi Salomon avait incité son amie à se convertir à la religion d’Abraham et de Jacob. Mais la souveraine de Saba, toute admirative qu’elle fût de la foi et de la sagesse du roi Salomon, pouvait-elle officiellement changer de religion ? Cela aurait pu justifier son éviction, si l’on songe au fait que Saba était un royaume où le culte jouait un rôle important dans la politique ; les prêtres païens participant à la gouvernance du royaume.

La Reine carthaginoise d'origine phénicienne, Elissa
La Reine carthaginoise d'origine phénicienne, Elissa

Qui était la reine de Saba?

Selon la légende, c’était une belle femme dont le pied à la voûte cambrée en fait une caractéristique évoquée dans l’Ancien Testament. Selon toute vraisemblance, elle était Tyrienne/Phénicienne, pour d'autres elle était d'origine Yéménite. Il n’existe cependant aucune description précise de la reine, ni dans la Bible, ni dans les vestiges des sanctuaires d’Arabie. Seul l’art sculptural de l’époque peut nous aider à nous faire une idée de ce à quoi la reine de Saba ressemblait. Ainsi, les statues de femmes retrouvées dans le sud de l’Arabie représentent la gente féminine de la région à l'époque de l'Antiquité. Ces statues en albâtre se présentent sous la forme de visages féminins ovales, aux sourcils noirs et fins, avec une petite bouche et de grands yeux entourés d’un trait noir assez épais, qui évoque un tracé au crayon cosmétique. L'illustration en haut à gauche de cet article est une mariée du Yémen. Ne rappelle-t-elle pas les statues féminines antiques de l'ancien Yémen ?

Dès lors, la reine de Saba ressemblait-elle davantage à une Assyrienne ou à une Yéménite? Dans l’état actuel de nos connaissances, rien ne nous permets de répondre avec certitude à cette question et les deux possibilités doivent être envisagées…

L’amitié entre la reine de Saba et le roi Salomon

Le royaume d’Israël de l’époque de Salomon était situé au croisement de plusieurs puissances orientales et africaines comme le royaume des Phéniciens de Tyr (ancêtres des Libanais), le royaume de Palmyre (ancêtre de la Syrie) et les royaumes d’Arabie de l’époque, sans oublier l’Egypte et l’Ethiopie. Selon la tradition, Salomon bâtit un temple somptueux dont l’édification dura sept années et qui était recouvert d’or et de bois de cèdre du Liban. En gouverneur avisé, il entretint avec ses voisins de bonnes relations "diplomatiques" dirions-nous aujourd’hui. Il épousa même la fille d’un pharaon égyptien pour s’assurer de sa bienveillance… Hélas, après la disparition du roi Salomon, le pharaon d’Egypte pilla les trésors du magnifique temple et, plusieurs siècles plus tard, le roi babylonien Nabuchodonosor le détruisit entièrement.

Tous les rois voulaient rencontrer le charismatique roi Salomon, mais dans la Bible, on évoque seulement la visite de la reine de Saba au 10e siècle avant notre ère, c’est dire si elle comptait pour Salomon ! On dit que la reine de Saba mettait souvent à l'épreuve la sagesse du roi Salomon et aimait aborder des sujets spirituels avec celui-ci. Mais dans quelle langue la reine de Saba et le roi Salomon s'entretenaient-ils ? Voilà une question qui n’a dû guère préoccuper les esprits car cette information n’est mentionnée nulle-part ! Nous pouvons supposer qu’ils se parlaient en araméen… ou en hébreu. Ou encore en sudarabique, une langue ancienne dont le sabéen était une "branche".

Gina Lollobrigida et Yul Brynner
Gina Lollobrigida et Yul Brynner

La malédiction du pays de Saba

D’après le Coran, les Sabéens auraient disparus à cause de la vindicte du Tout-Puissant, qui les aurait punis pour leur paganisme. Les Yéménites croient d’ailleurs que le sol où était jadis situé le royaume de Saba contient des trésors maudits. Au fil du temps, la reine Bilqis est devenue une sorcière dans les contes populaires arabes et son joli pied à la voûte courbée est devenu… un sabot de chèvre, dans la tradition juive. Les djinns, ces génies des contes orientaux, auraient été les serviteurs de la reine de Saba et plus précisément ses forgerons, puisqu’ils travaillaient le bronze...

La légende éthiopienne

Une légende veut que les Ethiopiens actuels soient les descendants de la reine de Saba et du roi Salomon. Est-ce à dire que la reine de Saba était Ethiopienne et que les deux souverains formaient un couple? Concernant ce dernier point, l’Ancien Testament ne fait aucune allusion à une relation charnelle entre le roi Salomon et la reine de Saba ; seules les bonnes relations commerciales des souverains y sont évoquées (chapitre dix du premier Livre des Rois) : "La Reine de Saba, connaissant la gloire de Salomon, vint à Jérusalem avec des richesses immenses. Ses chameaux portaient des parfums, beaucoup d’or et des pierres précieuses… Le roi lui donna ce qu’elle voulut. Puis elle retourna, avec ses serviteurs, dans son pays.".

Au 14e siècle, un moine chrétien réécrit les légendes bibliques dans le Kebra Nagast, titre qui signifie "Gloire des Rois" en guèze, une langue éthiopienne. Dans le nouveau Livre des Rois, la reine de Saba est nommée Makéda et elle est l’amante du roi Salomon avec lequel elle a un fils, Ménélik. Les circonstances dans lesquelles le roi Ménélik Ier a été conçu sont expliquées dans cette légende : Le roi Salomon était très épris de la reine Makéda et voulait ses faveurs. Mais la reine se refusait à lui parce qu’il avait déjà plusieurs épouses. Alors, le roi Salomon, par ruse, lui lança un défi : si la reine venait à lui demander un service, elle devait, en échange, lui accorder une nuit d’amour. Or, un soir, le roi Salomon invita la reine Makéda à déguster des mets très épicés. Elle demanda à boire pour étancher sa soif. C’est alors que Salomon lui rappela ce qui était convenu. Makéda céda… puis elle enfanta Ibna Hakim ("le fils du Sage") qui devint Ménélik Ier et que Salomon fit monter sur le trône à ses côtés lorsqu'il eût atteint l'âge de vingt-deux ans. La légende raconte que Ménélik emporta en Ethiopie l’Arche d’alliance qui était dans le Temple de Jérusalem. C’est ainsi que Ménélik Ier fonda la dynastie royale éthiopienne.

La légende éthiopienne ne manque pas de charme, mais pour certains critiques, elle s’approprie une histoire sud-arabe. Une chose est sûre, la reine de Saba a marqué les esprits par ses qualités d'humilité, de générosité et de beauté.

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Mis en ligne : Dimanche 24 Juin 2007
 
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