Les militaires saoudiens entrent illégalement sur le sol du Bahreïn

Chefs des forces armées du Bahrein, et d'Arabie saoudite
Chefs des forces armées du Bahrein, et d'Arabie saoudite

L'intervention des États voisins du petit royaume pourrait embraser la péninsule du golfe Persique

Un millier de soldats saoudiens sont entrés sur le territoire du Barheïn. La justification de cette intervention militaire est de soi-disant restaurer le calme dans ce royaume sunnite dont la superficie est pourtant très petite.

Bahreïn est en proie depuis un mois à une révolte des musulmans chiites, qui sont majoritaires au sein de la population. Lundi après-midi, des véhicules militaires saoudiens sont arrivés à Bahreïn, via le pont qui relie l'archipel à l'Arabie saoudite. Les soldats font partie de la force commune du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe outre l'Arabie et Bahreïn, le Qatar, le Koweït, les Émirats arabes unis et Oman.

"C'est un tournant dans la crise", avertit un expert militaire occidental dans le Golfe. Pour la première fois, en effet, depuis la création du CCG, en 1981, des troupes issues d'un de ses pays pénètrent dans un autre pays membre de l'organisation. De plus, l'Arabie saoudite intervient sans que Barheïn ait sollicité son aide, dans le but de mater la population en colère. De la pure ingérence, une action qui devrait être condamnée et considérée comme illégale ...

D'ailleurs, le principal parti chiite, Wifaq, a déclaré en étant indigné par l'intrusion militaire saoudienne sur leur sol ainsi: "Nous considérons l'entrée de tout soldat, de tout véhicule militaire dans les espaces aérien, terrestre ou maritime comme une occupation flagrante".

Officiellement, les troupes saoudiennes se limiteront à protéger des infrastructures stratégiques, comme les installations pétrolières et électriques ainsi que les banques, a précisé un conseiller saoudien.

Mais à Bahreïn, qui abrite la VI e flotte américaine dans le Golfe, personne n'est dupe. Ces renforts de troupes sont destinés à soumettre les manifestants. D'autant plus qu'environ 500 policiers des Émirats ont été envoyés en renfort. Inquiète, la Maison-Blanche a appelé les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à "respecter les droits" des habitants de Bahreïn.

Solidarités chiites

Dimanche, après avoir tenté de repousser les frondeurs chiites pendant plusieurs heures, la police bahreïnie a dû reculer, et les contestataires sont finalement parvenus à dresser des barricades en travers de l'avenue, qui mène au quartier d'affaires de Manama, la capitale. S'en étaient suivis des affrontements d'une violence sans précédent depuis le 17 février, date à laquelle sept personnes avaient été tuées par l'armée.

CCG
CCG

Redoutant de voir basculer Bahreïn, les monarchies du CCG - Arabie saoudite en tête - ont donc pris le risque de voir le conflit embraser la péninsule.

De l'autre côté de la frontière avec l'Arabie, la minorité chiite saoudienne, installée sur les immenses champs pétroliers du royaume, va-t-elle rester silencieuse face à cette ingérence? Ces dernières semaines, les chiites saoudiens (20% de la population) n'ont pas hésité à braver les interdits pour manifester contre le régime de Riyad. Chiites saoudiens et chiites bahreïnis s'estiment citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Plus au nord de la péninsule, leurs coreligionnaires koweïtiens vont avoir, eux aussi, du mal à avaler la pilule.

"Et puis, s'interroge l'expert militaire, que va faire l'Iran?" Jusqu'à maintenant, Téhéran, qui se voit comme le défenseur des communautés chiites dans le monde musulman, n'est pas intervenu dans les soubresauts qui agitent les pays arabes. Mais face à l'intervention du frère ennemi saoudien, l'attentisme iranien pourrait ne pas durer.

Ce durcissement illustre l'incapacité des autorités bahreïnies à engager le dialogue avec les manifestants, après plus d'un mois de face-à-face. Au préalable à toute négociation en vue d'aboutir à des vraies réformes, les opposants exigent la démission du gouvernement. Mais parmi eux, des ultras réclament désormais ouvertement le renversement de la monarchie des Khalifa. Le déploiement de troupes saoudiennes ne va qu'apporter de l'eau au moulin des plus radicaux.

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Mis en ligne : Lundi 14 Mars 2011
 
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