Fadela M'Rabet parle de la condition des Algériennes

Fadela M'rabet, Algérienne
Fadela M'rabet, Algérienne

Que pensez-vous de la situation des femmes algériennes aujourd'hui ?

J'ai l'impression que depuis ma naissance il y a 69 ans, je ne cesse d'entendre parler de la même chose : le voile, la polygamie, la répudiation. Nous sommes en septembre 2004, enfin on décide de proposer des amendements au code de la famille. Mais ces derniers ne donnent pas tous les droits à la femme. Il y a certes une avancée, mais le fond du problème n'est pas encore réglé.

Le tutorat qu'on veut absolument conserver relève à mon sens du proxénétisme quand il concerne la femme majeure. La différence entre la prostitution et la condition faite aux femmes par le code de la famille est que la soumission dans la prostitution est obtenue par la violence physique alors que dans le code de la famille, elle est exercée par la loi. Dans les deux cas, la femme est soumise et ceux qui la soumettent, il faut oser le dire, sont objectivement des proxénètes et c'est intolérable !

Croyez-vous que les amendements apportés pourraient corriger les injustices subies par les algériennes depuis 20 ans ?

On ne doit pas amender le code de la famille : Il faut l'abroger ! Il est inacceptable qu'en 2004 on fasse de la femme une sous-citoyenne. Ces amendements ne représentent qu'une humiliation de plus pour les Algériennes.

Deux partis politiques islamistes rejettent ce nouveau projet car, selon eux, il n'est pas conforme à la charia. Qu'en pensez-vous ?

C'est une agitation d'hommes qui veulent garder leur domination parce qu'ils considèrent les femmes comme inférieures. Pourquoi on évoque la charia chaque fois qu'on parle des femmes ? Qu'ils suppriment alors les banques ! [NDLR : selon Fadela M'rabet, si la charia était réellement appliquée, il faudrait interdire les banques car l'intérêt usurier est interdit en Islam].

Pour mon père, le seul objectif de Dieu était la santé morale et physique de l'individu et de l'humanité. Un Dieu qui demandait plus de stabilité dans la réflexion que de servilité dans l'obéissance. De toute façon, l'Algérie est un pays démocratique, le statut de la femme doit donc évoluer. Même si, une contradiction portée par l'article 2 de la Constitution (l'Islam est religion d'Etat), complique les choses.

Croyez-vous que la société algérienne soit prête pour ces changements ?

Des volontés individuelles et collectives ont toujours existé pour faire avancer les pays. Il y a toujours eu des avant-gardes pour mener des luttes sociales. Je pense qu'on peut faire changer les choses puisque les mentalités ont nettement évolué.

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Mis en ligne : Dimanche 13 Mars 2005
 
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