Les crânes oubliés de la conquête d'Algérie
Le 26 novembre 1849, au terme d’un siège de quatre mois, près de 6 000 soldats français commandés par le général Emile Herbillon se lancent à l’assaut de Zaatcha, une oasis fortifiée du Sud-Constantinois habitée par plusieurs centaines d’habitants et défendue par des résistants commandés par Ahmed Bouziane, dit le cheikh Bouziane.
'Nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances.' Simple observation d’un général français en 1840, lors de la conquête de l’Algérie. En 2011, un chercheur algérien, Ali Farid Belkadi, a découvert que des têtes coupées de ceux qui résistèrent à la colonisation de l’Algérie sont empilées au Musée de l’Homme à Paris dans l’indifférence générale.
L’Algérien lance une pétition 'pour le rapatriement des restes mortuaires algériens conservés dans les musées français', en particulier les crânes de résistants algériens tués par le corps expéditionnaire français dans les années 1840 et 1850, qu’il venait de retrouver dans les réserves du Musée de l’homme à Paris. Tels des Barbares qui buvaient le vin dans le crâne de leurs ennemis décapités, les Français ont conservé au 'Musée de l’homme' les crânes des combattants indigènes.
Alors que cet appel de l'écrivain algérien Brahim Senouci était lancé un an après le vote, par le Parlement français, d’une loi exigeant la 'restitution [à la Nouvelle-Zélande] de toutes les têtes maories détenues en France', il n’a eu malheureusement que très peu d’écho. En mai dernier, l’universitaire a lancé un nouvel appel pour que soient restituées les 'têtes des résistants algériens détenues par le Musée de l’homme', afin que leur pays les honore, avec cette fois un écho nettement plus large.
Finalement, sur les 37 crânes possédés par le Musée de l’homme 24 ont été restitués à l’Algérie le 3 juillet 2020 à la veille des célébrations du 58e anniversaire de l’indépendance algérienne !
Une pétition réclamait le retour de ces crânes au pays natal. La terreur semée lors de la période coloniale est toujours présente dans l'inconscient collectif des Algériens, il suffit d'un traumatisme pour qu'elle ressorte.
' … Un plein baril d’oreilles… Les oreilles indigènes valurent longtemps dix francs la paire et leurs femmes, demeurèrent comme eux d’ailleurs, un gibier parfait…'.
C’est en ces termes choisis qu’un général français racontait les exploits de ses troupes pendant la guerre de conquête de l’Algérie.
'… Tout ce qui vivait fut voué à la mort… On ne fit aucune distinction d’âge, ni de sexe… En revenant de cette funeste expédition plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances…'
Vous êtes sans doute déjà allé visiter le musée de l’Homme, place du Trocadéro à Paris… Mais les souterrains, avez-vous déjà pensé aux souterrains ? Dans les caves du musée de l’Homme, il y a des crânes, des murs de crânes !
18 000 crânes entreposés les uns à côté des autres, conservés, classés, répertoriés. Sur les étiquettes, on lit : 'Bou Amar Ben Kedida, crâne n°5 943. Boubaghla, crâne n°5 940. Mokhtar Al Titraoui, crâne n°5 944. Cheikh Bouziane, crâne n°5 941. Si Moussa Al Darkaoui, crâne n°5 942. Aïssa Al Hamadi, lieutenant de Boubaghla, tête momifiée n°5 939…'
Ils sont trente-sept Algériens au total.
Les crânes de ces Algériens décapités pendant la conquête coloniale furent longtemps exhibés comme des trophées de guerre. Ils témoignent de la résistance tenace opposée, dès 1830, à la colonisation. Comme à Zaatcha, une oasis du sud-est algérien, théâtre, en 1849, d’un massacre colonial d’une rare barbarie…
Remisés dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, jamais réclamés par l’Algérie, ces restes mortuaires sont tombés dans l’oubli. L’historien et anthropologue Ali Belkadi en a retrouvé la trace en 2011 et depuis (certains) crânes des combattants indigènes comme on les appelait, sont rentrés au pays…
Pour ne pas oublier l’assaut de Zaatcha
'Et je dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie ; que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les statuts coloniaux élaborés, de toutes les circulaires ministérielles expédiées, on ne saurait réussir à extirper une seule valeur humaine.' Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme. Nous ne réclamons pas vengeance, car nous sommes des gens civilisés et l'avons toujours été.
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