L'Iran héritier de l'Empire perse

Khaju Bridge
Khaju Bridge

Jusqu'en 1934-35, l'Iran était appelé la Perse à l'étranger, même si les Iraniens appelaient leur pays Iran dès l'époque sassanide. La Perse évoque les mythes, la poésie et les récits des Mille et Une Nuits, mais aussi les découvertes scientifiques. Alors que l'empire perse fascinait le monde, le régime iranien actuel est assez loin de rencontrer le même succès ! Mais avant de devenir la république islamique que nous connaissons, l'Iran, dont le nom est issu du mot sanskrit aryana, "noblesse", était une terre de culture.

Naissance d'une civilisation

Les premiers habitants de l'actuelle Iran étaient des bergers nomades, les premiers à avoir domestiqué les chèvres des plateaux iraniens, aux alentours du 10e siècle avant notre ère. Des archéologues relèvent que c'est en Iran, vers 5 400 av. J.-C., que la culture du raisin et la fermentation du vin ont été pratiqués pour la première fois. Qui eût crû que le vin fut inventé par un peuple qui deviendrait musulman ?  Les anciens Iraniens ont également inventé l'ancêtre de la guitare, le Tar, vers 5 000 avant notre ère.

Cyrus le Grand

Alors que l'Iran était surtout occupé par des populations nomades indo-européennes, une civilisation dite élamite s'épanouit autour de l'ancienne cité d'Anshan (à l'est du pays) entre le 4e et le 3e millénaire avant J.-C., et donna naissance aux rois de la dynastie achéménide, dont Cyrus le Grand, fondateur de l'Empire perse, qui succéda au royaume des Mèdes. Cyrus le Grand, qui vécut jusqu'en 529 avant J.-C., favorisa l'expansion de son royaume en conquérant plusieurs territoires d'Asie Centrale.

Il joua un rôle important dans l'histoire et pas seulement dans celle de l'Iran. Sa conquête de Babylone, en Mésopotamie, est en effet évoquée dans la Bible, où il est dit qu'il libéra les Juifs captifs de Babylone. Après la conquête de celle-ci, il fit inscrire sur un cylindre d'argile, comme le voulait la coutume à l'époque, les lois qui s'appliqueraient sur la terre conquise. Il décrètera notamment l'abolition de l'esclavage, la tolérance religieuse, la liberté du choix de métier... Cette déclaration est considérée par beaucoup d'historiens comme la toute première charte des droits de l'Homme.

La dynastie achéménide

Les rois Cambyse II et Darius Ier poursuivirent les conquêtes de leurs prédécesseurs du Moyen-Orient à la Mer Egée.

Sous le règne de Darius Ier on fit construire, dès 518 av. J.-C., une route de plus de 2000 km à travers l'empire perse pour favoriser les échanges commerciaux, et on mit en place un service postal, le premier de l'histoire, basé sur des relais de chevaux permettant de transmettre des messages dans l'empire (vers 500 avant J.-C.). C'est également sous le règne du "roi des rois" comme on le surnomme, que fut entamée la construction - qui durera deux siècles ! - de Persépolis, capitale de l'Empire achéménide, où un magnifique palais a été érigé. Persépolis fût malheureusement en partie détruite par Alexandre le Grand. De nos jours, c'est un site archéologique, connu pour ses beaux vestiges, qui fait partie du patrimoine de l'humanité.

Après le décès de Darius, l'empire perse commença à montrer des signes de faiblesse : des gouverneurs provinciaux se rebellèrent, l'Egypte obtint son indépendance vis-à-vis de l'empire et les rois furent assassinés par leurs proches ! C'est dans ce contexte décadent qu'Alexandre le Grand, célèbre roi de Macédoine, défit le dernier roi de la dynastie achéménide, Darius III Codoman, en 331 avant notre ère, après avoir enlevé sa femme et sa fille.

Par la suite, d'autres grands rois perses des dynasties séleucide, parthe et sassanide se succédèrent. Sous les règnes de ces différents rois, les Perses ne cessèrent d'innover, notamment en inventant les premiers accumulateurs électriques ou batteries. Et dans un domaine plus spirituel, au 3e siècle, le babylonien Mani se mit à enseigner sa doctrine religieuse, le manichéisme. Cette philosophie religieuse, qui s'inspire de trois religions, le christianisme, le bouddhisme et le zoroastrisme, est fondée sur l'idée que le monde terrestre est divisé en deux entités, le Bien et le Mal, l'ombre et la lumière. Mani prônait le bien, l'amour de son prochain, et était végétarien.

Les Perses deviennent musulmans

Après avoir connu les invasions des Huns, peuple guerrier et nomade originaire d'Asie Centrale, la Perse connût celles de ses voisins arabes. Au 7e siècle en effet, les Arabes, qui viennent d'embrasser l'islam, conquièrent la Perse, avec à la tête de leur armée Abou Bakr (le beau-père de Mahomet). Au 10e siècle, les Perses s'étaient pratiquement tous convertis à l'islam. Il faut savoir que les conquérants arabes étaient admiratifs du peuple perse et qu'ils en seront influencés. A titre anecdotique, le plan de la ville de Bagdad, en Iraq, avait été conçu par deux architectes perses en 762.

Entre le 8e et le 11e siècle la littérature persane connaît son apogée : Vers le 8e siècle, l'ouvrage des Mille et Une Nuits voit le jour, et vers le 10e siècle Ferdowsi écrit le Shâh Nâmâ (Le Livre des Rois), une épopée qu'il aurait mit des années à écrire et une oeuvre littéraire persane de référence.

La première théocratie iranienne

Au 16e siècle, l'histoire politique de l'Iran connût un tournant majeur lorsque le souverain Ismail Ier établit la dynastie Safavide et instaura l'islam chiite comme religion d'Etat ; il s'agit donc de la première théocratie islamique iranienne. A savoir : les musulmans chiites considèrent qu'Ali, le cousin de Mahomet, est le successeur du prophète et que ses préceptes doivent être suivis par les fidèles; c'est notamment sur ce point qu'ils se différencient des musulmans sunnites, qui eux, ne tiennent compte que des versets coraniques et des hadiths du prophète Mahomet.

Le Shah Abbas Ier (1588-1629), contrairement à son prédécesseur, sépara les fonctions religieuses et politiques de l'empire. Shah est un terme indo-persan signifiant "roi". La forme arabe de ce mot, Sheikh ou Cheikh a donné la formule "échec et mat" dans les jeux d'échecs car en persan shâh mât (cheikh mât en arabe) signifie "le roi est mort".

Les 18e et 19e siècles furent marqués par des guerres récurrentes entre la Perse et ses voisins l'Afghanistan et la Russie...

Arched Waterfront at Twilight, Ispahan
Arched Waterfront at Twilight, Ispahan

La modernisation de la Perse

C'est sous le règne de Reza Shah Pahlavi (qui régna de 1925 à 1941) que l'Iran se modernisa sur le plan des infrastructures et de l'industrie. En 1935, le roi ordonna aux Iraniens de se vêtir à l'occidentale et aux Iraniennes de ne plus porter de voile.

Même si l'Iran prospéra et se modernisa à cette époque, les populations rurales, elles, ne cessèrent de s'appauvrir tandis que leur ressentiment envers le pouvoir augmentait. Les dignitaires religieux iraniens, jadis privilégiés et grands propriétaires terriens, se sentirent lésés par les réformes du Shah Mohammad Reza Pahlavi (successeur de Reza Shah Pahlavi et qui régna de 1941 à 1979) dernier roi d'Iran déchu après la Révolution islamique menée par l'ayatollah Khomeiny.

Shah Mohammad Reza Pahlavi se montrait fier de l'héritage perse de son pays et entendait moderniser ce dernier avec l'aide des puissances occidentales. C'est sous son règne, en 1963, que les femmes iraniennes obtinrent le droit de vote, ce qui déplût fortement au clergé chiite iranien (les oulémas ne pouvaient accepter l'émancipation des femmes).

La pauvreté de la population rurale a augmenté et les rebellions et dissidences ont été matées avec violence par le Shah, ce qui a créé un terreau fertile pour la révolution qui eut lieu en 1979. Ni l'emprisonnement de Khomeiny en 1963 ni la répression des révoltes du peuple ne changèrent quoi que ce soit : la révolution devait avoir lieu.

Le 1er février 1979, après plusieurs années d'exil, l'ayatollah Khomeiny fut accueilli par le peuple comme un sauveur, alors que le Shah était sommé d'abdiquer. Il promulgua la Sharia (la loi islamique) et était fermement décidé à en finir avec l'époque du Shah : les Etats-Unis, ancien partenaire de l'Iran était devenu un ennemi absolu, l'économie de marché un sacrilège, la période préislamique de l'Iran une époque honteuse... La politique extrêmiste de l'Iran n'inquiéta pas seulement l'Occident, mais aussi les pays arabes. Ce fut le cas de l'Iraq de Saddam Hussein notamment, qui déclencha la guerre Iran-Iraq en 1980 et qui dura huit longues années.

Depuis la disparition de l'ayatollah Khomeiny en 1989, c'est Ali Khameini qui assure sa succession en tant que guide de la révolution islamique. Aujourd'hui, l'Iran est considéré comme un Etat dangereux par les démocraties et connaît une crise politique à l'issue incertaine. Le pays aux multiples paradoxes tente de concilier les valeurs islamiques avec le nécessaire progrès. Mais pourra-t-il un jour exister un Iran avec un régime politique démocratique et laïc ? La question reste ouverte.

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Mis en ligne : Mercredi 24 Juin 2009
 
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