Oum Kalthoum, cantatrice du peuple (1898-1975)

Oum Kalthoum dans les années 1960
Oum Kalthoum dans les années 1960

Cela fait maintenant trente ans que la cantatrice égyptienne Oum Kalthoum nous a quittés. Elle mourut au Caire, le 3 février 1975. Mais durant plus de cinquante ans, la chanteuse égyptienne a été l'objet d'un culte sans précédent dans le monde arabe.

Par les extraordinaires qualités de sa voix et par le prodigieux effet de son chant sur la sensibilité arabe, elle prend place au tout premier rang des phénomènes de l'art vocal. Sa biographie nous apprend que la diva du Nil a eu un destin peu commun...

Sa vie ressemble à un conte

Fille d'un cheikh peu fortuné d'un village du Delta, Tamaï Ezzahaïra, dans la moudirieh province de la Dakhalia, et d'une mère que la voix populaire désignait comme une descendante du Prophète, ce n'est pas un hasard si elle reçut le surnom d'une des filles de Mahomet, Oum Kalthoum. La petite fille fréquente un koutab (école coranique) dont le maître la terrifie et la contraint à effectuer de dures besognes domestiques. Son père, homme d'une piété rigoureuse, se rend très souvent, avec son fils Khaled, doué d'une belle voix, aux cérémonies religieuses publiques ou privées pour y psalmodier les versets du Coran.

Naissance d'une vocation

Un jour, la petite fille remplace inopinément son frère malade. L'auditoire voudra réentendre cette voix qui l'avait charmé. Ainsi naît une vocation. Oum Kalthoum quitte le koutab détesté et interprète des chants religieux, souvent habillée en garçon car le cheikh considère que le chant n'est pas un métier pour une jeune fille. Pourtant la réputation d'Oum Kalthoum s'étend. On l'invite à se produire partout dans la Dakhalia et même au chef-lieu, Zagazig.

La célébrité

Un des chanteurs les plus renommés de l'époque, le cheikh Abou el-Alaa, l'entend, lui donne des leçons et convainc, non sans peine, son père de le laisser emmener la jeune fille au Caire. Pour Oum Kalthoum, ce sera l'ascension. Oum Kalthoum donne sa première soirée payante le 6 décembre 1922, avec un énorme succès. Elle surpassera toutes ses rivales pour atteindre cette gloire sans partage qui la fit régner sur l'ensemble du monde arabe. Pachas opulents, riches commerçants, personnalités politiques et artistiques se disputent Oum Kalthoum pour donner à leurs fêtes un lustre suprême. Ses cachets deviennent fabuleux. Elle fait de nombreuses tournées à l'étranger et donne à Paris, en 1967, deux récitals. On l'appelle "l'Astre de l'Orient", "la Dame de la chanson", "la Cantatrice du peuple" ; ce dernier titre lui a été décerné par le président Sadate. Nasser, dont elle était la chanteuse préférée, l'avait exonérée d'impôt à vie !

Au Caire, on disait alors : "L'Égypte, c'est Nasser, Oum Kalthoum et les pyramides". Quand, en 1967, la chanteuse se retire de la scène, elle a 400 chansons à son répertoire, pour la plupart enregistrées.

Une voix extraordinaire

La voix d'Oum Kalthoum, d'une puissance et d'une étendue extraordinaires, embrassait toute la tessiture du luth, c'est-à-dire toute la gamme orientale. L'émission, au timbre très pur, inlassablement prolongée par de subtiles modulations, plongeait l'auditeur oriental dans une sorte d'extase voluptueuse. Ses chansons de scène duraient plus d'une heure !

Les chansons d'amour

Oum Kalthoum a tenu la gageure de chanter, sans contradiction, l'amour et le sentiment religieux. Elle avait commencé sa carrière au moment où le public prisait tout particulièrement les chansons frivoles et grivoises. Or la fille du cheikh n'avait à son répertoire que des chants religieux. Elle ne se dépouilla jamais de la plus grande pudeur et même d'un certain ascétisme. Pourtant, Oum Kalthoum, qui restera la chanteuse de l'amour sublimé, faisait naître chez ses auditeurs une exaltation où l'extase mystique n'avait guère de part.La chanson arabe renaît avec Oum Kalthoum !


Alors qu'au cours des années 1920, la chanson arabe se perdait et se contentait d'imiter la chanson occidentale, Oum Kalthoum régénéra le chant arabe authentique. Elle donnait aux Arabes le sentiment profond de la grandeur et de l'originalité de leur civilisation. Elle les ramenait à leurs sources, à leur irréductible identité. Elle les révélait à eux-mêmes à une époque où ils étaient, pour la plupart, des peuples colonisés. Elle leur faisait sentir leur solidarité.

D'après Raymond Morineaud.

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Mis en ligne : Lundi 7 Février 2005
 
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