Anne Nivat et l'après-guerre en Irak

Anne Nivat
Anne Nivat

Qui est Anne Nivat?

Grand reporter née en 1969, Anne Nivat est la fille de l'historien Georges Nivat, spécialiste de la Russie. Docteur en sciences politiques, elle est correspondante à Moscou de Ouest France, Le Soir, RMC... depuis 1998. Anne Nivat a couvert la guerre de Tchétchénie pour le quotidien Libération de 1999 à 2001. Son livre, Chienne de guerre (Fayard, 2000) a reçu le Prix Albert-Londres. En 2001, elle a publié Algérienne, en collaboration avec Louisette Ighilahriz, un livre-témoignage qui a relancé le débat sur la torture pendant la guerre d'Algérie.

Elle fait son come-back en 2004 avec Lendemains de Guerre en Irak et en Afghanistan après six mois passés sur ces terres. Son objectif en tant que reporter ? Ce n'est pas tant par goût du risque que Anne Nivat serait reporter, mais "par goût des autres" dit-elle; ce penchant lui aurait été transmis par ses parents. Ce qu’elle aime par dessus tout, c'est "donner la parole à ceux qui ne l'ont pas", afin d'avoir une version des faits différente de celle des media. Après son voyage en Tchétchénie, elle est allée à la rencontre de l'Afghanistan puis de l'Irak après l'invasion américaine.

Sa technique

Se fondre incognito dans la masse en adoptant les attitudes et en respectant les coutumes du pays dans lequel elle s'immerge... En Tchétchénie, Anne Nivat portait une jupe longue et un foulard, en Afghanistan, elle portait la fameuse burqa bleue et en Irak, une abaya noire. Elle s'adapte jusqu'au bout à chaque culture locale: Elle ne loue pas de voiture mais se déplace en bus ou à dos d'âne. Elle ne loge jamais dans un hôtel mais chez les habitants du pays où elle recueille les témoignages. Dans les pays musulmans, elle jeûne même pendant le ramadan! Si Anne Nivat n'hésite pas à se "déguiser" et s'adapter à la culture de chaque pays étudié, ce n'est pas uniquement dans le but de passer inaperçue ou pour le plaisir de se déguiser, mais surtout pour gagner la confiance des gens... et malheureusement, ça marche!

Essayer de comprendre

Anne Nivat voudrait connaitre la cause du terrorisme et essayer de comprendre la raison de cette incompréhension entre les Occidentaux et les Arabes. "Qu'est-ce qui nous lie ? Qu'est-ce qui nous sépare ? Pourquoi un tel fossé ?", demande-t-elle. "J'ai eu des expériences extraordinaires avec les femmes, là-bas. Moi l'Occidentale libre, le contraire de ce qu'elles sont, suis admirative de leur hospitalité, de leur ferveur religieuse, de leur sagesse. Elles, m'envient ma liberté tout en la trouvant inquiétante. En tout cas, le monde des femmes orientales est fascinant pour une Occidentale.".

Dans Lendemains de Guerre, le ton est à l'interrogation, à l'inquiétude. Ainsi cette femme turkmène, professeur d'Anglais, qui dit un jour à ses élèves que l'Irak n'est pas prêt, selon elle, pour la démocratie. Ce point de vue sera rapidement recadré par la directrice de l'école, qui précise à l'enseignante qu'elle ne doit pas parler ainsi aux élèves... La démocratie est au programme et il faut faire semblant d'y croire !

Quant à l'Afghanistan, le nouveau régime n'est pas très crédible. "Les prochaines élections n'ont aucune chance d'être sincères, on en rit déjà", témoigne Hamid, ingénieur afghan. "On sait tous que Karzaï sera élu. Il a vécut huit ans aux Etats-Unis". Ceux qui font vraiment la loi en Afghanistan sont les trafiquants d'opium qui contrôlent l'un des plus importants trafics d'opiacés de la planète.

"En Afghanistan et en Irak aujourd'hui, tout comme dans la Russie post-soviétique hier, l'euphorie de la libération laisse place à la nostalgie du passé et à une franche hostilité envers les Américains", conclut Anne Nivat. "Pour quel dénouement ?...". 

Les propos ont été recueillis par Nicolas Jones Gorlin.

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Mis en ligne : Samedi 18 Décembre 2004
 
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